Dre Christa Mindrum

Mai 31, 2019 - Profils

Choisir avec soin et la prise de décision partagée

Dre Christa Mindrum

Mai 31, 2019 - Profils

Choisir avec soin et la prise de décision partagée


Recommandation de médecine familiale No. 4: Ne soumettez pas les femmes de moins de 21 ans ou de plus de 69 ans aux examens de dépistage par frottis cervico-vaginal (test Pap). Aussi: Personnel infirmier praticien, Pathologie, et Obstétrique et gynécologie.


Choisir avec soin: Quels stratégies ou outils d’aide à la prise de décision partagée avez-vous mis en place en lien avec cette recommandation?

Dre Christa Mindrum: Dans une pratique familiale achalandée, il peut être difficile de faire le suivi de tous les tests de dépistage à effectuer. En travaillant comme suppléante, je n’ai aucun contrôle sur les outils de pratique qui permettraient de susciter une discussion sur le dépistage du cancer du col de l’utérus. Certaines cliniques utilisent un outil de rappel dans le dossier médical électronique pour indiquer à quel moment divers tests de dépistage doivent être effectués, et d’autres ont un simple rappel au haut des dossiers des patients. Certaines cliniques produisent un rapport indiquant quels tests de dépistage doivent être effectués pour les patients de la journée, et d’autres apposent une affiche pour rappeler aux femmes de prendre rendez-vous pour passer un test Pap. Alors j’ai pris l’habitude de parler du dépistage du cancer du col de l’utérus presque chaque fois que je vois une patiente admissible. Je suis particulièrement incitée à en parler pendant les visites où il est question de problèmes gynécologiques ou de santé sexuelle, lorsqu’on dispose de plus de temps, lorsque la patiente pose des questions sur les façons de rester en bonne santé, ou lorsqu’une patiente a consulté à plusieurs reprises pour des problèmes médicaux complexes qui pourraient lui avoir fait oublier ou avoir distrait le médecin du dépistage de routine. Je parle aussi du dépistage chez les patientes qui demandent rarement des soins médicaux.

Il suffit souvent d’une minute pour voir s’il y a lieu de faire un dépistage. La réponse d’une patiente à la question « Quand a eu lieu votre dernier test Pap? » offre des renseignements importants. Certaines patientes diront qu’elles en ont un régulièrement et expliqueront pourquoi, ou qu’elles n’en ont pas eu depuis longtemps, ou encore qu’elles n’en ont plus besoin ou qu’elles ont cherché à éviter ce test. Les réponses des patientes à la question constituent un point de départ pour explorer la compréhension des recommandations, les valeurs, les préférences et les expériences (positives ou négatives) de ces dernières en ce qui a trait au dépistage du cancer du col de l’utérus.

Les ressources qui correspondent le plus aux conversations que j’ai avec les patientes sont les lignes directrices sur le dépistage du cancer du col de l’utérus en Nouvelle-Écosse et les lignes directrices et les outils destinés aux patientes du Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs.

En quoi la prise de décision partagée par rapport à cette question est-elle difficile ou gratifiante?

CM: Le principal défi consiste à aider les patientes à « désapprendre » les conseils qu’elles ont reçus. Travailler en qualité de suppléante signifie que je vois divers styles de pratique et que je navigue souvent dans la prise de décision partagée avec des patientes que je ne connais pas. Certains médecins ont expliqué à leurs patientes qu’elles ont besoin de passer un test Pap chaque année, même si elles n’ont pas d’antécédents d’anomalies, qu’elles n’ont pas de col (hystérectomie pour des causes bénignes) ou qu’elles ne sont pas dans la tranche d’âge visée. Beaucoup de femmes ont le sentiment de prendre bien soin de leur santé en veillant à passer un test Pap annuel. Il est gratifiant d’explorer la philosophie et les valeurs des patientes à l’égard de leur santé. De nombreuses personnes se sentent validées lorsque leur raison d’éviter un test est reconnue et se sentent appuyées lorsqu’une décision commune est prise sur la façon de procéder. Je trouve que les patientes acceptent très bien les lignes directrices sur le dépistage du cancer du col de l’utérus lorsqu’elles comprennent la raison d’être de la tranche d’âge et des intervalles recommandés entre les tests. Souvent, les patientes sont soulagées lorsqu’elles apprennent qu’elles n’auront plus besoin de passer un test Pap annuellement, voire jamais!

Pourquoi la prise de décisions partagée relativement à cette recommandation Choisir avec soin ou au sujet de ce problème clinique est-elle essentielle pour vous?

CM: Partager les connaissances sur les risques et les avantages associés aux tests de dépistage tout en tenant compte des préférences et des valeurs des patientes a pour résultat de créer une alliance thérapeutique, de donner le pouvoir de décision aux patientes et d’améliorer le respect des consignes. La prise de décisions communes sur les soins préventifs est une occasion de mettre l’accent sur le bien-être plutôt que sur la maladie. Le dépistage du cancer du col de l’utérus nécessite un examen intime qui peut être pénible, en particulier pour les personnes transgenres, les femmes ménopausées et celles qui ont subi un traumatisme. Trouver un terrain d’entente et partager la décision du dépistage renforce la confiance, essentielle à la pratique d’une bonne médecine, et aide la patiente à se sentir éduquée, valorisée et responsable de sa santé.

Cet article a d’abord été publié dans Médecin de famille canadien.

La traduction en français de cet article se trouve à www.cfp.ca dans la table des matières du numéro de mai 2019 à la page e192.